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    Sciences de l’Antiquité :

     

     

     

    Euclide, ou l’art de démontrer !

     

     

     

    par Chloé Vinour

     

     

     

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    Euclide, ou l'art de démontrer !

     

    Euclide utilisant un compas, École d'Athènes, Raphaël

     

     

     

     

     

     

     

    La Grèce antique fut le berceau de connaissances et de développements dont l'impact est

     

    profondément ancré dans nos civilisations modernes. L’un des développements extraordinaires de la

     

    Grèce était les sciences. Les Grecs firent notamment progresser les mathématiques sur tous les plans :

     

    algèbre, géométrie, calcul… Historiquement, les mathématiques étaient utilisées par les premières

     

    civilisations mésopotamiennes dans un but pratique (agriculture, architecture…). D’ailleurs le mot

     

    «calcul » dérive du latin « calculi » qui signifie « petit caillou ». Ces cailloux étaient en effet utilisés

     

    pour compter le bétail. Cela témoigne donc de l’aspect pratique des mathématiques. Mais la Grèce

     

    antique a été le témoin d'une révolution des mathématiques. Pour la première fois, les mathématiques

     

    étaient utilisées à des fins purement abstraites. On peut alors affirmer que c'est durant la Grèce antique

     

     que naissent les premiers mathématiciens grecs.

     

     

     

    L’un des plus importants mathématiciens grecs fut Euclide (vers 300 av.JC) avec son œuvre Les

     

    Éléments (Στοικεία en grec ancien). Cette œuvre contient treize livres organisés par thématiques

     

    (géométrie, polygones, théorie des nombres, arithmétique…) , contient les premiers théorèmes des

     

    mathématiques et met en place les démonstrations et les raisonnements. On peut d'ailleurs noter que

     

    Les Élements sont l'œuvre la plus éditée de toute l'histoire juste après la Bible, ce qui témoigne de son

     

    importance. En effet, le fait de démontrer permet une grande avancée dans les sciences et permet de

     

    surpasser la logique aristotélicienne de l'époque (le fameux « si…alors » trop pauvre en terme de

     

    raisonnement). Une preuve célèbre des Élements est la preuve de l’infinité des nombres premiers. Un

     

    nombre premier est un nombre qui a pour diviseurs uniquement 1 et lui-même. Par exemple

     

    2,3,5,7,11, 13,17, 101 sont des nombres premiers. Les nombres premiers sont un peu les atomes des

     

    mathématiques car chaque nombre peut se décomposer en produit de nombres premiers et Euclide a

     

    prouvé qu’il y en a un nombre infini. Et sa démonstration est toujours enseignée aujourd'hui tant elle

     

    est simple et ingénieuse. Euclide utilise le raisonnement par l’absurde, un raisonnement qui consiste à

     

    supposer le contraire de ce que l’on veut prouver comme hypothèse de départ et à montrer que cela

     

    aboutit à une absurdité. Ainsi, pour les nombre premiers, Euclide souhaite montrer qu'il y en a une

     

    infinité, donc il suppose qu'il existe un nombre fini de nombres premiers.

     

     

     

    Supposons qu’il existe n nombres premiers p1, p2, p3 … pn-1, pn. Avec ces n nombres premiers créons

     

    un nouveau nombre N, par exemple en faisant le produit des n nombres premiers et en ajoutant 1 :

     

    N=p1, p2, p3 … pn-1, pn +1. Regardons maintenant si N est premier (on procède par disjonction de

     

    cas) :

     

    Si N est premier alors cela implique que la liste de départ des n nombres premiers n'est pas finie, on

     

    peut rajouter N ce qui est absurde par hypothèse.

     

    Si N n’est pas premier alors il est forcément divisible par un nombre premier. Or ce n’est pas l'un des

     

     nombres premiers de la liste de départ car N est, par construction, le produit des n nombres premiers

     

    auquel on a ajouté 1. Donc N est forcément divisible par un nouveau nombre premier ce qui est aussi

     

    absurde car on n'a supposé la liste de départ finie…

     

    Dans tous les cas on aboutit à une contradiction avec l’hypothèse de départ, c’est donc qu'elle est

     

    fausse. Les nombres premiers sont donc infinis ! Cette preuve représente la beauté et la puissance du

     

    raisonnement logique.

     

     

     

    Mais ce n’est pas le seul héritage d’Euclide ! Les Éléments contiennent aussi des postulats (des

     

    affirmations que l'on admet de par leur caractère évident) sur lesquels se fonde toute la logique. Par

     

    exemple « Les choses égales à une même chose sont égales entre elles. » ou encore « Le tout est plus

     

    grand que la partie. ». Mais l’un des postulats d’Euclide est passé à la postérité et a occupé plusieurs

     

    générations de mathématiciens car il n’était pas si évident que cela. Ce postulat, appelé cinquième

     

    postulat ou postulat des parallèles, affirme que «  Par un point extérieur à une droite il passe toujours

     

    une et une seule parallèle à cette droite. ». Cela semble trivial dès que l’on se place sur une surface

     

    plate comme une feuille mais devient ambigu lorsque l'on considère une surface courbée comme une

     

    sphère ou une selle de cheval par exemple. Ainsi, les plus grands mathématiciens du XIXième siècle

     

    ont défini une nouvelle géométrie appelée géométrie « non-euclidienne » dans laquelle le cinquième

     

    postulat est faux. Cette géométrie qui tient compte de la courbure de l'espace est au cœur de la théorie

     

    de la relativité générale d'Einstein. Cela démontre l'importance de l’héritage grec qui s'infiltre jusque

     

    dans les plus grandes théories de physique actuelles. Nous pouvons alors rejoindre sans hésitation les

     

    propos de Jacqueline de Romilly : « En ce début de XXIième siècle, sans le savoir, nous vivons encore

     

    du grec… » (Petites leçons de grec ancien, Jacqueline de Romilly, Monique Trédé).

     

     

     

     

    Euclide, ou l'art de démontrer !

     

     

                                                       Vatican Édition des Éléments (XVIIe siecle)

     

     

     

     


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